Nous re-publions ici une tribune écrite par Jean-Pascal Sibiet et Lise Péron, respectivement Président et Membre des Franco-British Connections, et parue le 20 août dans L’Opinion.
En cette période estivale, comprendre l’anglais, le français, le portugais ou le chinois avec seulement quelques secondes de différé et pour seulement 200 euros, voilà les promesses du Translate One2One English, petite oreillette secondée par le logiciel d’intelligence artificielle Watson (IBM) actuellement en vente, rapporte James Titcomb, du Telegraph. Cependant, en dépit des progrès exponentiels de la technologie, la traduction n’obéit pas à des règles aussi strictes que le langage informatique. Il s’agit moins de traduire des mots que de retranscrire un message qui prend sens dans un contexte précis. Lire entre les lignes pour déceler l’implicite n’est pas du ressort des machines. Le décrypter est en effet profondément culturel.
De même, les possibilités offertes par l’anglais « globish » (« Global-English ») contribuent aussi aux illusions en dehors des rapports brefs et pragmatiques des affaires. La maîtrise approximative d’une version simplifiée de la langue anglaise, riche en sous-entendus, ne permet de communiquer que grossièrement, sans nuances, et laisse chaque interlocuteur dans sa « bulle » culturelle initiale, sans réelle possibilité de convergence de fond.
Le mythe de la globalisation vantant la prépondérance de l’anglais et la facilité de la communication digitale nous leurre. Le choc culturel, auparavant visible, a été rendu intangible par la technologie. Peter Alfandary, ancien avocat associé de Reed Smith à Londres, martèle que nous ne sommes pas « culturellement globaux », car chacun interprète ce qu’il perçoit au prisme de sa culture. Une solution est d’intégrer l’apprentissage de l’intelligence culturelle, cette capacité d’adaptation au contact d’une autre culture, dans notre système éducatif.
Le British council, bras armé de la diplomatie culturelle britannique, avance que les compétences interculturelles sont une des aptitudes clés à maîtriser au XXIe siècle, afin de développer d’autres compétences essentielles telles la confiance en soi, la curiosité, la tolérance, la flexibilité et l’adaptabilité. Dit rapidement : les qualités de l’employabilité garantie. Le facteur clé réside dans l’immersion profonde dans le pays, à l’occasion d’études ou du travail. Une exposition superficielle, à l’occasion de vacances par exemple, n’est pas significative.
Liens durables. Pour les Français de moins de 18 ans et présents d’ici 2020 sur le marché de l’emploi, le Royaume-Uni est la destination la plus populaire pour les études : 52 % des parents envisagent que leur enfant y étudie, contre 22 % en Allemagne. Moins d’un quart des parents envisagent que leurs enfants partent étudier à l’étranger, d’après une étude HSBC. Au Royaume-Uni, moins de 40 % des établissements du secondaire proposent des échanges linguistiques avec une famille d’accueil, c’est-à-dire en immersion totale, souligne le British council. Dans l’enseignement supérieur, un attrait croissant pour le continent européen est à noter chez les étudiants britanniques, dans le cadre des programmes d’échanges. La France est la deuxième destination préférée après l’Espagne pour les étudiants en Erasmus, nous apprend Campus France.
Avoir une expérience internationale reste trop souvent lié à des facteurs socio-économiques : les surcoûts entraînés par un départ, le manque à gagner d’un job étudiant alimentaire, s’inscrivent comme des obstacles. Plus que financière, la contrainte est également sociale : avoir un diplôme universitaire ou des parents diplômés facilite le départ. Le facteur le plus discriminant reste… la connaissance d’une langue étrangère.
Encourager les échanges entre jeunes Français et Britanniques est fondamental, pour permettre à une majorité de se confronter à d’autres codes culturels avant l’entrée dans le monde du travail, et abaisser les barrières socio-économiques. L’organisation de sommets étudiants, de joutes oratoires et d’événements de networking comme ceux organisés par de multiples associations bénévoles, par exemple la French debating association ou les Franco-British connections, lient les étudiants d’universités françaises et britanniques de manière durable. Comme de nombreuses initiatives, la capacité des bénévoles se cantonne très souvent aux capitales et dans une certaine mesure aux grandes écoles.
Les autres territoires sont les premiers à avoir besoin de ces projets et de ces rencontres, comme nous le rappellent douloureusement les résultats aux derniers scrutins français et britanniques. Si les professeurs des collèges et lycées partaient en échange (sur le mode 15 jours pour un enseignant français, suivi de 15 jours pour un enseignant britannique), ils pourraient de part et d’autre rapporter une perspective culturelle, une amélioration linguistique pour eux et pour leurs élèves. A faible coût, cette proposition à généraliser ressemblerait aux utopies éducatives concrètes promues par Jean-Michel Blanquer. Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé…
Lise Péron est étudiante à Sciences Po et Oxford, membre des Franco-British Connections. Jean-Pascal Sibiet, Young Leader 2017, est président des Franco-British Connections depuis 2008 (le programme franco-britannique Young Leaders rassemble des chefs d’entreprise, militaires, journalistes et entrepreneurs français et britanniques de 30 à 40 ans, dans le but d’approfondir la coopération entre leurs deux pays et de tisser des liens entre des décideurs de demain).