Sylvie Bermann est ambassadeur de France au Royaume-Uni depuis août 2014.
Comment votre parcours de diplomate vous a-t-il mené à occuper la fonction d’Ambassadeur de France au Royaume-Uni?
J’aime bien rappeler que mon premier poste dans ma carrière diplomatique était en réalité le Royaume-Uni. J’ai exercé mes premières fonctions à Hong Kong, qui était à l’époque « colonie de la Couronne ». Plus jeune, j’ai souvent voyagé au Royaume-Uni. J’aime sa culture et son histoire. Par la suite, je suis toujours resté en lien avec mes collègues britanniques, que ce soit durant les dix années durant lesquelles j’ai travaillé dans les affaires européennes, ou dans le cadre de mes fonctions au Nations Unies. Si vous prenez en compte les fonctions que j’ai exercées à l’Ambassade de France à Moscou, vous verrez que mon parcours m’a mené à travailler dans l’ensemble des cinq pays membres permanents du Conseil de Sécurité.
Comme décririez-vous la différence entre la responsabilité que vous exercez actuellement et votre précédente fonction d’Ambassadeur de France en Chine?
La principale différence porte sur la proximité du Royaume-Uni et son appartenance à l’Union européenne. Toutefois, la Chine et le Royaume-Uni sont deux membres permanents du Conseil de Sécurité. Les deux pays partagent donc les mêmes problématiques dans les domaines de la défense et de l’énergie notamment. Au Royaume-Uni et en Chine, la culture joue également un rôle important en termes de stratégie de rayonnement international. Dans le domaine économique, l’Ambassadeur intervient davantage en Chine dans les négociations visant à la signature de contrats dans les domaines régaliens.
Qu’est-ce qui, selon vous, rend la relation franco-britannique si spéciale?
Je dirais que c’est le poids de l’Histoire qui explique cette proximité si forte. A chaque fois qu’il y a eu un conflit ou une menace en Europe, la France et le Royaume-Uni étaient parfaitement solidaires. Nous célèbrerons dans quelques jours l’Appel du 18 juin et le souvenir du soutien de Churchill aux forces de la France Libre présentes à Londres. L’image du Général de Gaulle défilant devant ses troupes en juin 1940 à Whitehall est présente au-dessus de mon bureau.
Comment expliquer la présence si importante des Français à Londres et au Royaume-Uni?
Je pense en premier à l’Eurostar qui est presque devenu un métro entre Paris et Londres. Les Français sont de plus en plus nombreux à s’expatrier. Le Royaume-Uni est le plus proche voisin de la France permettant aux jeunes Français d’acquérir une expérience internationale et la maîtrise de l’anglais.
Qu’est-ce qui selon vous, fait la spécificité de la communauté des Français vivant au Royaume-Uni?
C’est une communauté diversifiée, même si la présence des cadres est particulièrement importante. Les Français sont recherchés pour leurs compétences. Il y a par exemple de nombreux mathématiciens parmi les Français travaillant à la City. La présence des lycées français et leur environnement culturel sont également des spécificités. Nos amis britanniques nous disent souvent qu’ils apprécient la présence des cafés, boulangeries et lieux culturels français. Enfin, les jeunes occupent une place importante dans la communauté française au Royaume-Uni. En plus des 25 000 étudiants français, de nombreux jeunes viennent au Royaume-Uni à la recherche d’un emploi. Ils sont orientés par le Centre Charles Péguy.
Les jeunes Français sont nombreux à venir effectuer un échange universitaire au Royaume-Uni. A l’inverse, comment promouvoir la venue de jeunes britanniques dans l’Hexagone?
Nous sommes heureux de constater la forte présence des étudiants Français au Royaume-Uni. La France est le quatrième pays dans le monde à recevoir le plus d’étudiants étrangers. Nous souhaitons sensibiliser davantage les jeunes Britanniques pour favoriser leur venue en France. Il est important de les informer sur la qualité de l’enseignement en France et sur l’intérêt d’acquérir la connaissance de la langue française. Le français est une langue internationale qui offre des opportunités professionnelles dans les institutions internationales. Je pense également à l’Afrique francophone, véritable réservoir de croissance dont le développement démographique est rapide. Par ailleurs, les étudiants britanniques ont la possibilité d’effectuer en France des cursus en anglais. Ils ne le savent pas toujours.
Quels sont les domaines dans lesquels vous souhaiteriez personnellement voir progresser la coopération entre la France et le Royaume-Uni?
La relation entre les deux pays est déjà étroite. Nous coopérons dans les domaines de la défense et de la politique étrangère, dans lesquels nous partageons la même priorité en matière de protection des droits de l’homme. Sur le plan stratégique, la collaboration est forte dans les secteurs de l’énergie nucléaire et des énergies propres. Dans le domaine économique, les échanges commerciaux sont importants. La France affiche un excédent de dix milliards d’euros. Enfin, j’attache une importance particulière à la culture. La coopération entre les deux pays a été illustrée récemment par le partenariat entre les Villes de Londres et Paris, créé à l’initiative de Boris Johnson et Anne Hidalgo.
Comment percevez-vous le devenir de la relation franco-britannique dans le contexte européen et global?
L’enjeu majeur à venir est le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. La France souhaite que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne. Le pays est un partenaire essentiel, une économie dynamique et une puissance nucléaire qui joue un rôle important dans la résolution des crises globales. Je pense que l’avenir est aux pays-continents. Lorsque j’étais en poste en Chine, j’ai eu l’occasion de mesurer le poids de l’UE dans les négociations commerciales. Avec ses 500 millions d’habitants et son marché commun, l’UE est en réalité la première puissance économique mondiale. L’Union européenne est plus forte lorsque ses pays membres sont unis.
Entretien réalisé le 9 juin 2015 par Louis Marty et Dominique Tighe
Franco-British Portrait Gallery